Présentation
Cette série brèche du verbe résulte d'une observation, dans différentes villes d'Europe, de la solitude des matières, des bâtiments, des gens. De lieux désaffectés en lieux abandonnés, laissés en un instant, sidérés, de gens inconnus à la recherche de verbes introducteurs de parole, de mots laissés en suspens dans la matière, dans la pierre ou le mobilier urbain, rien ne semble subsister, et pourtant, la photographie vient ranimer un feu, un point de détail qui se réveille soudain et enflamme le reste, crie son envie de vivre et de courir dans les rues, d'animer les jambes désarticulées d'une vitrine et de parcourir les muscles, les vaisseaux, la pierre, les pavés. Prendre un train désert et sur les rails imaginer le verbe infini qui donne l'élan, claque des doigts pour donner un rythme, et dit le verbe partir, libre, franchir le seuil et seuillir au loin, en musique verbale franchir les portes et déplacer les cloisons sur l'image. La lumière donne le ton, et de sa voix douce, fait vibrer la peau des mains et des joues, le métal liquide, la pierre à peine endormie. Le verbe, dans sa brèche affective, se met à aimer follement, il tombe amoureux pour de bon, il s'engouffre et respire. Le verbe seuillir est né.